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Routines, rituels & habitudes dans le syndrome d’Asperger

 

L’attachement à certains rituels rassure, calme. L’anxiété des autistes face au monde extérieur est immense & ces routines permettent – dès leur plus jeune âge – de rendre ce monde plus rassurant car plus prévisible.

Ce qui est moins imprévisible est alors perçu comme plus doux, dans le sens de moins agressant… Moins perturbant puisque l’on sait précisément ce qui va se passer.

Ne jamais perdre de vue : l’improviste est l’ennemi juré de l’autisme .

Pourquoi ?

Là où les personnes non-autistes voient dans la planification & la répétition un océan d’ennui & de monotonie ; les individus sur le spectre autistique éprouvent eux, au contraire, un sentiment de contrôle rassérénant.

Ils aiment ces habitudes & ces routines. Ils en ont besoin. Ils les trouvent apaisantes.

Et comment ?


Il faut savoir que nous, autistes, sommes instinctivement portés sur le respect strict de nos plus infimes habitudes, que ce soit par exemple :

  • routines journalières très peu flexibles, avec un réveil à heure fixe, des temps déterminés pour toutes sortes d’activités ;
  • itinéraires immuables pour se rendre à l’école, au travail, à la boulangerie ou chez tata Paulette ;
  • rituels encadrant les repas, la douche, l’habillement ou encore le coucher. Finalement peu importe le moment retenu, il y aura de toutes façons un rituel qui l’accompagnera, qu’il soit avouable – avoué – ou non…

En reproduisant toujours à l’identique, avec un ordre donné à respecter à la lettre, les événements qui rythment notre quotidien, on limite au maximum toutes les situations qui vont créer une angoisse intense.
Autrement dit en prévoyant autant que possible tout ce qui peut venir créer du stress, les autistes s’aident à affronter les difficultés qui leur font peur, qui les impressionnent & les bloquent.

Cette organisation est souvent perçue au mieux comme un non-sens, au pire comme une vie robotique, dénuée de toute spontanéité.

Mes rites ne nuisent à personne et pourtant ils agacent ou sont sujets à commentaires. […] Je me suis tissée une trame qui conserve fixement des jalons et sur laquelle j’en positionne de nouveaux dès qu’il le faut.

Ainsi, je reste dans ma zone de confort sur ces petites choses du quotidien et je libère de l’espace disque dans ma tête pour ce qui en vaut la peine. Dans cet objectif de simplification et de « désencombrage » de cerveau, certains aspies ont une seule tenue, toujours la même, un pantalon et un T-shirt par exemple, déclinés en cinq exemplaires analogues. De cette façon, ils n’ont pas à s’embarrasser de choisir des vêtements.

Au quotidien…


Ces habitudes déroutent généralement & surprennent. Elles inquiètent également parfois, comme tout ce qui est incompris. En tous cas elles passent rarement inaperçues, même si elles ne trouvent pas forcément d’explications valables dans l’esprit des gens.

Certains, un peu plus observateurs sont cependant amenés à se questionner sur ces drôles d’habitudes…

Durant plus de 10 ans, nous avons été clients (de temps à autre, mais de manière régulière) d’un petit restaurant non loin de chez nous. Nous y allions parfois en famille, à trois, parfois à deux mon fils & moi.

C’était un lieu que nous aimions bien parce que nous le connaissions bien ! Le patron était agréable sans être envahissant. Et puis les différentes salles n’étaient pas trop bruyantes ; et plus important encore : le son ne résonnait pas trop.
Bref, notre balance intérieure penchait plutôt du côté “sympathique” 

Mon loustic, étant très résistant aux changements, ne pouvait concevoir de s’y rendre en s’éloignant un tant soit peu de ses rituels. Même jour, même heure, même place… toujours, même serveuse… à coup sûr, même boisson… immanquablement, même menu… évidement.

Une fois – une seule fois – notre place n’était pas libre, déjà occupée par d’autres. Et ce fut sans exagération un drame pour lui et pour moi. Un repas entier à entendre mon aspie taciturne grogner et ruminer, n’arrivant pas à passer outre cette grande contrariété 

Pour vous dire combien cette résistance à la nouveauté est importante, l’épisode a eu lieu à l’automne 2014, alors qu’il avait 10 ans et débutait la classe de 5ème  et il lui arrive encore de nos jours de m’en parler, trois ans après, outré comme si ça s’était passé hier 

Rester bloqué sur un sentiment, qu’il soit de colère (suite à une dispute, une incompréhension, une attaque qui n’a pas su trouver sur l’instant de répartie) ou de frustration (suite à une routine non-respectée, une interruption dans un monologue touchant à un intérêt restreint, une modification de dernière minute), et ressasser encore et encore les choses est un comportement autistique très fréquent. Et ce, à tout âge.

En ce temps-là, mon garçon n’était pas encore diagnostiqué aspie. Nous savions seulement qu’il avait un très haut QI & on se doutait depuis son entrée au secondaire qu’il avait, a minima, de très forts traits autistiques. Raison pour laquelle il était depuis huit mois en attente auprès de l’unité pour enfants & adolescents dépendant du CRA de notre secteur.

Aussi lorsqu’un jour – alors que j’étais allée régler l’addition au comptoir du restaurant, pendant que le loustic m’attendait un peu plus loin – le patron me demanda s’il n’était pas autiste, je fus scotchée. Répondant par la négative, en précisant néanmoins qu’il y avait suspicion mais encore aucune certitude, je lui demandai tout de même comment cette idée avait germé dans son esprit.

Non que je ne comprenne pas ce qui l’avait intrigué. Mais si rares étaient les personnes à savoir que l’autisme ne prenait pas forcément l’allure caricaturale de l’enfant non-verbal & baveux, ayant pour toute communication un balancement frénétique que cela m’interpella.

L’intéressé m’expliqua que son fils avait par le passé fréquenté un collège lyonnais public, précurseur en ce temps-là dans l’accueil des enfants à haut potentiel intellectuel au milieu d’élèves tout à fait standards. Et parmi ces jeunes, son fils (dans la norme) s’était fait un copain à la fois autiste & surdoué.

Le restaurateur avait indéniablement eu l’œil, et avait su repérer les similitudes entre les particularités de ce jeune & ce qu’il avait pu observer chez mon fils au fil des années, à chacune de nos visites.
Sans être un expert des TSA, il avait remarqué l’atypie de ce garçon.

Mon fils eut à l’époque bien du mal à comprendre ce qui l’avait trahi. De son point de vue, rien ne pouvait mettre l’homme sur la piste de l’autisme… persuadé que ses habitudes, routines & rituels demeuraient imperceptibles.

Une bonne part des Asperger sont des invisibles. Pour beaucoup, ils sont juste bizarres, benêts ou pas nets. Mais à y regarder de plus prêt, ils sont loin de se fondre dans la masse : ils vivent seulement leurs difficultés en silence, pour qui ne pénètre pas vraiment dans leur monde.

 

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